On entend partout que les entreprises doivent réussir leur transformation digitale. Qu’il en va de leur survie. On parle aussi parfois de transformation numérique. Le souci c’est qu’on ne sait pas vraiment très bien de quoi il s’agit. Qu’est-ce que ça veut dire réussir sa transformation digitale ? Mais au fait, est-ce que j’ai besoin de me transformer ? Ou Est-ce que j’ai besoin du digital ?

Ça fait quand même beaucoup de questions pour quelque chose considéré comme acquis en 2015.

Cinq centièmes de seconde, c’est le temps qu’il faut à X-Or pour réussir sa transformation digitale

On va commencer en essayant de savoir ce que veut dire transformation digitale. Chacun y va de sa définition, alors je fais pareil. Dans transformation digitale, il y a transformation et digital. Jusque-là, ce n’était pas trop difficile.

Dans le concept de transformation, il y a la notion de mouvement. On passe d’un état à un autre. Avec plus ou moins de douleur ou de rapidité. Par exemple, X-Or se transforme en cinq centièmes de seconde. Revoyons cela au ralenti :

On peut aussi parler de mutation qui est un processus progressif, une constante évolution.

Le digital quant à lui, c’est tout ce qui touche (sic) au numérique mais en vachement plus fun. D’ailleurs le numérique, c’est tout ce qui touche à l’informatique mais en plus chic. On parle de la même chose en réalité. Mais il y a une hiérarchisation qui s’est créée entre ces mots comme si on voulait élever les métiers qui touchent à l’informatique à quelque chose de stratégique, de fluide, d’artistique, ce que ne pourrait pas être l’informatique. Parce que l’informatique ce sont des barbus en t-shirt Linux, et des sites internet sous Netscape.

Quand les entreprises informatiques font des applications, Les entreprises du numériques font des applications iPhone, tandis que les entreprises du digital font des applications iPhone en mangeant des bagels et en jouant au baby foot. La classe.

L’informatique, c’est comme le numérique mais en moins chic

Transformation digitale : un digital worker push son dernier commit avant d'aller manger un bagel

Transformation digitale : un digital worker push son dernier commit avant d’aller manger un bagel | Yi Chen, cc by 2.0

Je m’arrête sur cette histoire de digital. On pourrait y passer des heures.
Donc la transformation digitale d’une entreprise, c’est la constante évolution de l’entreprise vers l’intégration de l’informatisation dans son fonctionnement.

Oh punaise, ce serait une chouette idée d’avoir des machines industrielles qui tweetent ! C’est trop l’Internet des objets

Sauf que ce qu’on nous vend à tous les coins de rue, c’est cette transformation digitale qui consiste grossièrement à se mettre sur internet, recruter un CM, engager la conversation et faire sa révolution digitale en exploitant le big data et l’IoT dans une démarche omnicanale.

On dit alors aux entreprises de :

  • Placer le digital au cœur de la stratégie d’entreprise. Si vous fabriquez des emballages, je vois mal ce que cette transformation digitale va apporter à votre entreprise.
  • Recruter un CDO au niveau du comité exécutif car la data c’est le nouvel or noir. Je ne sais pas pourquoi mais ça a l’air a priori cool. Dans mon entreprise d’emballage, on se demande si le CDO doit avoir un bureau avec vue sur la parking ou vue sur la chaîne de production.
  • Repenser sa stratégie car l’omnicanal bouleverse les rapports de force avec un client roi. Le client qui n’est pas content de vos emballages, il vous renvoie la palette. Il ne va pas aller se plaindre sur Twitter.
  • Repenser les modèles. Heu oui, enfin, je fabrique toujours des emballages là. Je ne vais pas changer ma chaîne de production pour tweeter à chaque fois que j’ai produit un rouleau de film plastique. Même si j’en vois un ou deux dire « oh punaise, ce serait une chouette idée d’avoir des machines industrielles qui tweetent ! C’est trop l’Internet des objets ».
Transformation digitale : le client roi fait valoir son statut de critique culinaire sur yelp | South Park

Transformation digitale : le client roi fait valoir son statut de critique culinaire sur yelp | South Park

J’ai pris volontairement l’exemple d’une entreprise industrielle qui travaille en b2b parce que c’est souvent avec ces exemples qu’on se rend compte des réalités.

Alors oui si vous êtes une entreprise b2c qui vend des bagels dans tout Paris à une clientèle de bobos, vous allez être au taquet sur l’omnicanal. Et même être tenté de disrupter le bagel.

Supprimez le métier, il ne reste rien.

Mais dans la vie réelle, la transformation digitale des entreprises existe depuis 20 ans (allez, 15, je suis sympa). Et ne se limite pas à la communication, au marketing et au commerce.

Réussir sa transformation digitale, c’est se demander en quoi les outils qui sont mis à disposition peuvent aider notre métier. C’est utiliser des outils informatiques pour des besoins métiers. Et comment l’intégration de ces outils peut nous permettre de mieux travailler ou de travailler autrement.

Ce ne sont pas les outils qui nous guident. Sauf peut-être le GPS pour aller à la piscine le samedi. Ce sont nos besoins métiers qui nous font choisir telle ou telle solution technologique. Quand je parle de besoin métier, j’inclus non seulement le besoin du métier dans son expression la plus pure, mais aussi ses exigences en termes de coût et de rapidité de mise en place.

Le cloud, le big data, le mobile, l’IoT, …, tout cela est au service d’un besoin métier. Supprimez le métier, il ne reste rien.

Je vous livre trois exemples :

  • Le big data est utile pour un acheteur de matière première qui veut savoir quelles sont les conditions les plus favorables pour acheter. Il peut par exemple tenter de corréler les cours des matières premières et les événements climatiques.
  • Le propriétaire d’un ensemble de stations de lavage, quant à lui, peut chercher à construire un modèle statistique sur la fréquentation de ses stations (achats de prestations ou d’accessoires) en fonction des conditions météo, du trafic routier et de la présence de concurrents pour savoir ce qui fonctionne et sous quelles conditions.
  • L’acheteur peut évaluer la réputation de ses fournisseurs en surveillant et en analysant des sources d’information non structurées (actualité, analyses financières) pour savoir s’il y a des risques à contractualiser avec tel ou tel fournisseur.

Supprimez le métier sur ces exemples – allez-y, essayez – et il ne reste que des discours stériles.